12e Congrès Ruepsy

Parole d’enfant : dialogues et malentendus entre psychanalyse et éducation

Résumés Communications Libres

Samedi 03/06

Atelier 9

Les effets de la demande d’excellence scolaire sur le narcissisme des parents et des enfants.
Luciana dos Santos Vieira Barcelos (Universidade Federal Fluminense)
Marília Etienne Arreguy (UFF) 

Notre objectif est de discuter de l’influence de l’idéal d’excellence scolaire dans la trajectoire des élèves, tant dans ses aspects objectifs (réussite ou échec scolaire) que dans ses aspects subjectifs (sentiments de supériorité ou d’infériorité par rapport à l’école). Nous partons de l’hypothèse que la réussite scolaire serait le résultat de la bonne performance obtenue dans le cas où l’on s’approcherait d’un certain “idéal d’excellence”. En revanche, l’échec scolaire (Patto, 1990) serait amer pour ceux qui se voient éloignés de l’excellence. Dans cette perspective, l’ »élève excellent » serait celui qui peut s’adapter aux exigences posées par une scolarité performante, basée sur une compétition collectivement acceptée (Dunker, 2020), mais structurellement inégalitaire (Almeida, 2019). Or, la grande majorité de la population brésilienne n’est pas encore parvenue à atteindre les paramètres les plus élémentaires d’une éducation de qualité. Par la suite, nous pensons que le narcissisme des parents pourrait également refaire surface au moment de la scolarisation de la progéniture, contribuant ainsi à ce que l’idéal du moi de l’élève cherche à réaliser les rêves abandonnés par les parents, parmi lesquels la réussite scolaire à mettre à jour par les enfants. En ce sens, dans la rencontre avec l’instance scolaire qui en résulte, les exigences présentées par l’école s’unifieraient avec celles des parents autour d’un idéal fantasmatiquement inaccessible. Cependant, une logique performative serait un autre canal de production de l’échec scolaire car elle éloigne le dialogue avec des idéaux éducatifs plus hétérogènes et collaboratifs. Il faudrait donc rompre avec les impératifs sociaux de réussite (Han, 2015), pour s’engager dans un processus de subjectivation qui ne peut pas être définie au préalable par des caractéristiques narcissiques imaginaires et excluantes.

La compréhension de l’échec scolaire comme symptôme social dans le contexte des pathologies de la contemporanéité.
Francisco Ramos de Farias (Universidade Federal do Estado do Rio de Janeiro)

L’histoire de l’échec scolaire est marquée par l’émergence des savoirs d’exclusion et de contrôle social au XX siècle. A la compréhension fondée sur la supposée incapacité des enfants à s’adapter aux normes de l’institution scolaire, s’ajoute celle qui considère ladite carence culturelle, ainsi que des modes de transmission des savoirs inadéquats. Face à ces interprétations, nous proposons de penser l’échec scolaire dans le contexte des pathologies actuelles, en le considérant comme un symptôme social. Dès lors, la dimension historique des rapports sociaux et des savoirs produits est pertinente, surtout quand on part de l’aphorisme « l’inconscient c’est le social », on affirme que l’échec scolaire peut être pensé comme la contingence de la production de savoirs hégémoniques, le scénario de transformations historiques, aux déterminations de nature inconsciente et à la modalité dominante du discours d’une époque. Suivant ce parti pris, nous sommes amenés à réfléchir sur l’émergence, à l’époque moderne, du discours et de la pratique pédagogique qui lient l’échec scolaire à l’attente d’un idéal dans les apprentissages. Cependant, demandons-nous, si nous comprenons l’échec scolaire sous la rubrique symptôme, quelle est la vérité refoulée ? Dans un premier temps nous proposons de mettre l’accent sur le retour et l’insistance de la destination que la culture confère au malaise d’un être langagier. L’échec s’inscrit dans la liste des pathologies face aux impératifs liés à la technique fondée sur l’idéal de transformation de la société par un ajustement produit par le progrès scientifique promu comme la voie du bonheur, fondée sur un modèle d’enfance adhérent à la technologie et disponible à la consommation. De plus, l’échec scolaire résiste aux revendications sociales qui produisent un nivellement subjectif qui rogne sur les expressions de l’unicité lorsqu’il accepte le discours dominant dans des espaces institués qui excellent dans les corrections orthopédiques face à l’idéal de produire des êtres parfaits.  

Du silence et des bruits : lorsque l’absence de parole attente une inscription politique et lorsque les politiques de prise en charge s’égarent dans les bruits du « typique ».
Joana Sampaio Primo (Universidade de São Paulo)

Notre travail porte sur la scolarisation des enfants et des jeunes migrants, une investigation centrée sur un travail de terrain réalisé dans les villes de Sao Paulo et de Paris. En ce qui concerne l’expérience vécue dans les écoles de Sao Paulo, nous soulignons l’incidence des difficultés d’acquisition de la parole chez les enfants de la communauté des Andes au Brésil, difficultés qui sont centrées sur la figure des enfants silencieux. Au cours de notre recherche, ce qui se présentait comme une absence, le silence de ces enfants, s’est transformé en un signifiant puissant capable de mobiliser un bruit institutionnel qui a fait du silence une inscription politique du droit à la parole. En ce qui concerne les écoles parisiennes, nous avons fait des observations dans l’UPE2A : Unité Pédagogique pour Élèves Allophones nouvellement Arrivés. Si d’un côté il y a un souci évident pour l’accueil et l’enseignement de la langue française dans cette politique, d’un autre côté il faut remarquer des bruits dans une telle structure : les élèves sont la plupart du temps séparés du reste de l’école et gagnent un lieu d’appartenance basé sur leur nationalité. C’est à la recherche de maintenir la dialectique entre le silence qui peut s’inscrire comme un droit politique à la parole et les politiques d’accueil qui peuvent former des stéréotypes du ‘typique’ que nous entendons apporter nos contributions à la discussion.

Atelier 10

L’écoute du sujet : un outil pour faire face à la ségrégation.
Aline Lima Tavares (Universidade do Estado do Rio de Janeiro)
Sonia Alberti (UERJ)

Depuis 1990, au Brésil, la réglementation sur le Statut de l’Enfant et de l’Adolescent établit comme prioritaire que les enfants soient élevés dans leur famille d’origine. En outre, il détermine l’application de mesures de protection, quand le droit à la convivialité familiale est menacé. Cependant, à partir de notre pratique, nous faisons l’hypothèse qu’il existe un pousse-à-l’adoption dans certains contextes sociaux et économiques. La lueur attribuée par Lacan à l’héroïne Antigone, tient au fait qu’elle ne cède pas sur son désir face au conflit imposé par une loi présentée comme juste. Tout comme Antigone dénonce les dérives de Créon, c’est en écoutant les enfants et les adolescents que nous avons appris à quel point la justice brésilienne peut devenir violente lorsqu’elle réprime les profondes inégalités dans lesquelles ce pays s’est constitué et qui continuent d’avoir des effets. La plus grande conséquence est le soi-disant « retour » des enfants et des adolescents après la déclaration d’adoption, ce qui, en réalité, va à l’encontre de la loi selon laquelle l’adoption est mesure exceptionnelle et irrévocable.
Nous visons à indiquer la pertinence de l’écoute de l’analyste dans les institutions d’accueil et les tribunaux de l’enfance et de la jeunesse, ce qui sera exemplifié par les propos d’une adolescente qui montrent les écarts entre l’effectivité juridique de l’adoption et les effets subjectifs résultant de cette mesure. Ce n’est qu’en écoutant le sujet dans sa singularité, en ne le prenant pas pour un objet à la merci de la lettre de la loi et de son application bureaucratique, qu’il devient possible d’affronter les effets meurtriers du discours du maître sur sa vie et son corps.

L’accueil « bénévole » comme actualisation transgénérationnelle des cliniques publiques de Freud.
Marília Etienne Arreguy (Universidade Federal Fluminense)

Comment l’écoute psychanalytique peut contribuer au soin avec des situations limites éclatées dans des contextes éducationnels ? Comment un dispositif d’écoute psychanalytique « bénévole » peut parfois « sauver des vies » et remettre en route certains liens dans une société extrêmement ségrégative ? Dans l’ouvrage Freud’s free clinics: psychoanalysis and social justice 1918-1938, Elizabeth Danto décrit le début de l’histoire des dispositifs publics orientés par la psychanalyse. On voit la résurgence de ces dispositifs comme une espèce d’héritage transgénérationnel. Cette lutte politique au sein du mouvement psychanalytique actualise un savoir-faire lié à l’éthique du désir du psychanalyste et représente un effort pour écouter les personnes plus vulnérables au niveau tant subjectif que social. On discutera alors le rôle de l’écoute psychanalytique non-rémunérée à partir des fragments des cas des sujets qui pâtissent des violences d’État et des traumatismes sociaux et institutionnels. On part du dispositif Un chat sur une couverture en zinc chaude, fondé en 2019, au sein de l’Université Fédérale Fluminense. Inspiré des techniques de Ferenczi, cet accueil se configure comme offre d’écoute en situations d’urgence psychique liées à des passages à l’acte suicidaire et à des épisodes d’anxiété incapacitante, tourné vers les sujets les plus démunis. On envisage de montrer la puissance de ce genre d’initiative bénévole dans l’élaboration et l’intégration psychique des traumatismes subis par des universitaires et éducateurs plus vulnérables dans ce moment politique dystopique.

« Qu’est-ce qu’une favela ? » : Rencontres et malentendus dans le sillon des mots en classe.
Juliana Maddalena Trifilio Dias (Universidade Federal de Juiz de Fora, Brésil)

Lors d’un cours de géographie en 6ème, je travaillais sur les « Facteurs de localisation industrielle » et j’ai demandé aux élèves pourquoi une multinationale avait choisi d’installer son siège dans une ville à l’intérieur du pays et non dans une grande ville. Un étudiant a tout de suite levé la main et dit : « Cette entreprise ne pourrait jamais aller à Rio de Janeiro car là-bas, elle serait cambriolée tous les jours ». Moi, je le questionne tout de suite : « Cambriolée ? ». Et lui il répond : « Ouais !! Parce qu’il y a beaucoup de favelas là-bas et c’est plein de bandits ». Cette affirmation m’a surprise alors, après quelques instants, je lui demande ce qu’est une favela. Et il répond : « Une favela est une agglomération urbaine d’au moins 51 logements ». Nouvel étonnement de ma part. C’était la définition conceptuelle de l’IBGE. Mais après tout, qu’est-ce qu’une favela ? Je me suis dit que le mot « favela » disait d’une différence et d’un désir de savoir. Au cours de la recherche, chaque enfant a fait un dessin de « favela » et, moi, ouvert une conversation avec la classe : Quelles histoires avez-vous entendues sur les « favelas » ? Qu’est-ce que chacun pourrait me dire à propos de son dessin d’une « favela » ?
Le mot, « ne portant jamais un sens unique », s’est imposé à moi et je me suis tournée vers la possibilité qu’il vienne à sillonner des chemins dans l’enseignement ainsi que dans la formation professionnelle. Le travail avec ce que je nomme la « Géographie de l’Écoute », avec son « Parler » tissé en classe, permet de parcourir un cheminement. Qu’est-ce que les élèves en tant qu’êtres parlants ont à nous dire sur « leurs » géographies ? Les dessins d’enfants et la conversation tissés au cours de la recherche nous permettent de marcher vers d’autres « favelas », en nous intéressant à la pratique enseignante et aux constructions épistémologiques issues de la rencontre de la géographie avec la psychanalyse dans le champ de l’éducation.

Atelier 11

De l’instance de la lettre dans l’autisme.
Pablo Llanque Nieto (Université Paris 8)

La parole n’est pas le langage. Dans la parole, la dimension de l’appel est en jeu et, en conséquence, le champ de l’Autre. La parole s’adresse à l’Autre, en tant “qu’il n’est pas de parole sans réponse” comme l’affirmait Lacan en 1953. La perspective s’ouvre lorsqu’on considère le sujet autiste qui, lui, n’est pas dans le champ de la parole. Dans l’autisme, l’aphanisis du sujet n’a pas eu lieu et donc, s’inscrire dans le champ du discours en tant que sujet n’est pas possible. Bien qu’il soit hors discours, il n’est pas pourtant hors langage. Par conséquent, ce n’est pas que du champ de la parole dont il s’agit, mais aussi de l’instance de la lettre. Le travail subjectif que le sujet autiste réalise se situe dans lalangue, dans ce qui fait lettre, dans un niveau où le S1 ne fait pas appel au S2. C’est-à-dire, dans un temps logique qui précède la constitution de la chaîne signifiante. Le langage dans l’autisme se situe au niveau où la lettre pourrait permettre de chiffrer quelque chose de la jouissance, comme réceptacle où quelque chose peut être circonscrit et qui prend diverses formes.  C’est un traitement du réel par la lettre, dont les cas de Daniel Tammet et d’Owen Suskind témoignent, d’un langage qui a un caractère privé, une singulière « élucubration de savoir » sur lalangue. Comment travailler au niveau de la lettre ? C’est le défi pour ceux qui accompagnent le sujet autiste dans les institutions socio-éducatives. Comment se dégager des effets de sens, de la métaphore et de la métonymie, et apprendre à savoir-lire le motérialisme du signifiant propre de lalangue que l’autiste habite ? Comment accompagner sa construction de liens subtils avec les autres ?

Le corps autistique à l’école : qu’est-ce que le récit autobiographique de Naoki Higashida indique pour l’éducation ?Nathália Lopes Machado (Universidade Federal de Minas Gerais)

Cette communication, qui s’inscrit dans le cadre d’une recherche doctorale en cours, vise à identifier dans le récit autobiographique de Naoki Higashida, jeune autiste japonais, des éléments relatifs à son fonctionnement autistique afin de réfléchir sur le processus de scolarisation. Nous nous proposons donc, à partir du témoignage de Higashida sur le corps, de réfléchir au travail d’inclusion qui peut être réalisé à l’école en tenant compte du fonctionnement psychique. Sur la base des formulations foucaldiennes, l’école a une logique de disciplinarisation des corps, dont la tendance est de soumettre l’élève au pouvoir disciplinaire qui cherche à intervenir dans les corps pour les domestiquer. Il existe donc des exigences éducatives qui requièrent de l’élève certains comportements auxquels il peut être difficile de répondre en fonction de l’état subjectif de chacun. Dans le cas des sujets autistes, comme on peut l’extraire du récit de Higashida, il y a une jouissance qui envahit le corps provoquant des comportements incompréhensibles face à la logique phallique. On peut penser, à partir du dernier enseignement lacanien, que dans la structure autistique la jouissance n’est pas passée par une négation. Ainsi, l’impact du lalangue se produit, mais la disjonction entre le corps et la jouissance ne se produit pas, ce qui entraîne certains phénomènes corporels et, par conséquent, la façon dont le sujet se rapporte au corps. En s’appuyant sur des psychanalystes lacaniens contemporains, il convient de s’interroger sur la façon dont les comportements peuvent être pris comme effet d’une énonciation, et aussi sur le fait que les manifestations corporelles peuvent être une demande adressée à l’Autre de l’école.

Malaise dans l’inclusion scolaire des enfants autistes.
Diana Wolkowicz (Universidad Nacional de Rosario)
Mariana Scrinzi (UNR)

Cet article est un extrait d’une enquête intitulée Autisme, lien social et inclusion scolaire. Les sujets autistes n’ont pas les fictions nécessaires pour faire face à la jouissance du corps. Ils ont pour cela différentes ressources : la construction d’un objet autistique, d’un néo-bord corporel et parfois d’un intérêt spécifique. Les analystes bousculent subtilement ces défenses qui se déplacent de manière infinitésimale vers d’autres objets de culture. La question éthique qui sous-tend notre travail n’est pas de savoir si la personne autiste se lie à l’Autre ou pas, mais avec quoi elle se lie à l’Autre. Cette question met en évidence la dimension de la singularité. Dans chaque cas rapporté, nous retrouvons le avec quoi de chaque sujet. Le S1 seul « qui anime la vie de chacun » (Lacan, 1981), La Boîte à câlins de Temple Grandin (2010). Les dessins animés Disney pour Owen Suskind (2016). Les chants d’oiseaux de Hikari Ōe (2015). Les chiffres de Tammet (2007). Le problème central de l’enquête est de savoir comment soutenir le plus singulier de chacun dans une institution moderne comme l’école, régie par le « pour tous » les mêmes normes et les mêmes savoirs. Le désaccord entre la demande scolaire et les réponses singulières constitue le malaise fondateur de l’école. Dans le cas de l’autisme, ce malaise se manifeste de façon exponentielle et rend souvent impuissant l’Autre scolaire. Comment faire de ce malaise un dialogue pour que le malentendu de vouloir inclure à tout prix, ce qui ne peut pas l’être, soit mis à profit.

Atelier 12

Pour qu’advienne la parole de l’enfant : ce que nous enseigne La Nuit du Chasseur de Charles Laughton.
Baptiste Jacomino (Direction Diocésaine de l’Enseignement Catholique)

John se tait. Il a juré à son père qu’il ne trahirait pas son secret. Avec sa sœur, il fuit en silence, sur une petite barque le long du fleuve noir, jusqu’à ce qu’un matin, Rachel Cooper les réveille. A la figure de faux prophète, de pasteur inversé jouée par Robert Mitchum répond la figure de sorcière inversée qu’est Rachel Cooper. Comme tant de sorcières, c’est une femme âgée et célibataire qui accueille, héberge et nourrit des enfants perdus dans sa maison isolée, mais ce qu’elle offre aux enfants est plus salé que sucré : au lieu de les enfermer et de les vouer à une jouissance orale muette morbide, elle interrompt la jouissance qui isole par un rythme et une loi qui réveillent. La Nuit du Chasseur nous enseigne que la parole de l’enfant n’est pas toujours déjà là : il faut parfois permettre à cette parole d’advenir. Rachel raconte le soir des récits bibliques. John se reconnaît dans la figure de Moïse livré au hasard d’un fleuve. Il se met à parler en se soutenant de cette Parole. Il y trouve de quoi relire sa propre histoire, l’assumer. Il y puise une dignité nouvelle qui l’autorise à se faire sujet. En recourant au récit, Rachel prend le contre-pied du faux prophète. Lui cherchait à faire cracher le morceau à John. Il lui enjoignait de parler. Rachel permet à John de parler en ne le lui demandant pas. Le mythe biblique est un mi-dire qui permet à l’enfant de sortir de l’alternative dans laquelle il est enfermé : tout dire ou ne rien dire. C’est en permettant un certain silence que Rachel permet à une certaine parole d’advenir.

L’offre et la demande dans le rapport des coordonnateurs d’ULIS collège à la relation pédagogique avec leurs élèves.
Konstantinos Markakis (Université Paris Nanterre)

Pour ma recherche doctorale, j’ai exploré comment certains coordonnateurs d’ULIS collège (Unité localisée pour l’inclusion scolaire) vivaient la relation pédagogique avec leurs élèves à partir d’une approche clinique d’orientation psychanalytique en sciences de l’éducation. J’ai alors recueilli les témoignages de ces professionnels dans le cadre d’entretiens cliniques de recherche (Yelnik, 2005). L’étude approfondie de ces entretiens a mis en lumière la manière singulière dont chacun introduit dans sa pratique quotidienne des activités et/ou des gestes pédagogiques permettant la mise au travail de « l’expérience scolaire » de l’élève (Lajonquière, 2020). Dans cette condition, les exigences d’évaluation atténuaient et l’attention des acteurs se portait davantage vers l’expérience émotionnelle de la tâche. Sur le plan conceptuel, je m’engage ici dans une réflexion sur le lien de ce que les coordonnateurs offrent à leurs élèves et ce que Piera Aulagnier (1986) décrit comme une dialectique entre l’offre de l’analyste et la demande du patient. 

La psychanalyse dans la formation des enseignants.
Anderson de Oliveira Amorim (Universidade do Estado do Rio de Janeiro)

Flavio Roberto de Carvalho Santos (UERJ)
Maria de Fátima Scaffo (UERJ)

Dans la discipline Psychologie de l’éducation (UFR Formation des Enseignants de l’Université d’État du Rio de Janeiro/Brésil) nous abordons des théoriciens du développement et de l’apprentissage. Dans ce contexte nous faisons référence à la psychanalyse freudienne afin de clarifier la dynamique psychique et les mécanismes de défense dans ce contexte d’écoute des élèves à l’école. Il est observé que la psychanalyse provoque la réflexion sur la singularité et les dispositions psychiques dans les processus d’apprentissage, ce qui souligne l’importance du dialogue sensible et la bienveillance de la part des professionnels. Comprendre que l’élève est un sujet de désir a des répercussions sur la relation enseignant-élève, contribuant à élargir et à reformuler les stratégies dans le processus d’apprentissage. Les futurs enseignants éclairés par la psychanalyse renoncent à des activités excessivement trop programmées, valorisent l’affectivité et les processus inconscients. Ainsi la psychanalyse privilégie l’écoute de la parole, du désir et du rapport au savoir, provoquant des émotions et des nouvelles significations. 

Atelier 13

L’éducation dans la société néo-libérale à travers le prisme de la psychanalyse : la formation du sujet dans la vie créative.
Thiago de Camargo Nascimento (Universidade de São Paulo)

Cette communication vise à analyser la subjectivité et la parole des sujets en formation en tenant compte du défi de la singularité. La société de consommation tend à produire une marchandisation de l’éducation, dans laquelle les sujets perdent leur discours personnel en raison de la concurrence et de l’individualisme. L’enseignant est présenté ici comme fondamental pour donner à l’enfant la possibilité de connaître un monde qui le précède, mais aussi pour rendre possible que ce sujet en formation soit invité à percevoir son importance dans la conquête de sa propre parole et ainsi sentir que la vie en vaut la peine. Ainsi, l’enseignant serait celui qui présente les règles de vie dans un monde qui précède l’arrivée du sujet, en plus de valoriser l’expérience de la créativité, afin que l’enfant sente qu’il peut développer sa propre spontanéité et chercher sa place dans le monde. Cette prise en charge peut être une alternative pour former des sujets qui s’identifient à la société, sans perdre totalement leur spontanéité personnelle. Dans cette communication nous faisons une contextualisation de la société néolibérale en contraste avec la singularité, tout en suivant la théorie de Winnicott sur l’importance de la créativité et du soin en éducation. L’enfant, s’il est soutenu par un environnement favorable pendant la constitution de sa subjectivité, sera capable, à l’âge adulte, de traduire sa créativité en travail et de donner ainsi un sens personnel à la vie, en prenant soin de lui-même et en étant capable de contribuer au monde.

(Dis)continuer ou (re)créer : le rôle de la relation et du désir dans une politique publique d’éducation.
Katilen Machado Vicente Squarisi (Universidade de Brasília)
Inês Maria Marques Zanforlin Pires de Almeida (UnB)
Paulo Sérgio de Andrade Bareicha (UnB)

La tâche d’apprendre aux enfants à lire et à écrire est un processus complexe des dimensions sociales, culturelles, politiques et éducatives. Affectées par la pandémie de Covid-19, les politiques publiques ont été mises au défi de remplir leurs objectifs. L’objectif de ce travail était d’analyser et de discuter de l'(im)pacte de la politique publique brésilienne Pacte national pour l’alphabétisation à l’âge correct – PNAIC, dans la formation d’enseignants, en mettant en évidence les implications possibles dans la pratique pédagogique. Comment alphabétiser un enfant en distanciel ? Cette question et d’autres entourent l’ensemble des (in)certitudes et des (dés)structures de la pensée et des actions pédagogiques, permettant aux professionnels de rentrer dans cet univers à partir d’une lecture réflexive et d’une analyse critique de leurs impressions sur ce programme gouvernemental. Les enseignants ayant suivi la formation prévue par le programme PNAIC ont participé à la recherche structurée à partir du dispositif d’écriture mémorielle, la réalisation d’entretiens semi-directifs et la rédaction des hypomnemata (journal de recherche). La réflexion s’est appuyée sur des études psychanalytiques organisées en trois axes d’étude : Le transfert dans l’acte éducatif : désir de savoir ; Effets subjectifs dans la formation professionnelle : marques d’affiliation ; Malaise dans l’apprentissage de la lecture et de l’écriture : impasses dans la constitution d’une posture professionnelle. À partir de la référence psychanalytique de l’éthique du sujet dans sa singularité, nous abordons les (im)possibles qui imprègnent les processus intersubjectifs dans le rapport de l’éducation et les marques du désir. L’acte d’alphabétisation est recréé de façon résiliente et soutenu par l’enveloppe psychique de la classe.

La roue vivante du désir : ça déplace et anime le sujet-enfant.
Adail Silva Pereira dos Santos (Universidade de Brasília)
Inês Maria Marques Zanforlin Pires de Almeida (UnB)

Section thématique de la recherche doctorale qui propose d’analyser comment les désirs dits/non-dits des enfants peuvent déplacer le lien didactique et une éducation possible vers la réalité. Pour la construction des données : des observations participantes en classe ; des groupes de conversation ; des entretiens narratifs pour comprendre la place de la parole dans l’organisation pédagogique et l’écriture d’un mémoire éducatif comme dispositif de recherche (Almeida, 2012). Des questions fondamentales ont été tissées : comment les désirs dits/non-dits peuvent-ils évoluer dans le lien didactique ? Quelle place pour la parole du sujet-enfant ? Comme le souligne la recherche, il est nécessaire de garantir les mots qui désignent les événements et les désirs des enfants dans le lien social, compte tenu de « la cause des enfants » (Dolto, 2005). Nous savons que « le désir est quelque chose qui ne peut être saisi et compris que dans le nœud le plus étroit, non pas de quelques impressions laissées par le réel, mais au point le plus étroit où ils se lient, pour l’homme, réel, imaginaire et sa signification symbolique » (Lacan, 2002). Ainsi, nous essayons de produire une tournure au sein de la planification pédagogique visant à modeler l’enfant, à le faire devenir un sujet idéal. Par conséquent, dans la séquence méthodologique proposée, les groupe de conversation ont contribué à l’écoute, capturant la « vraie prise qui conduirait une sorte de sujet idéal au réel et les alternatives par lesquelles le sujet induit le réel dans ses propositions » (ibid.). 

Atelier 14

Idéologies langagières et « voix des enfants » : quelle place pour la (socio)linguistique en protection de l’enfance ?
Arthur Ancelin (Université Paris Cité)

Depuis les années 1980, la sociologie de l’enfance interroge les processus de (re)production du social chez les enfants au prisme de la question langagière. En s’inscrivant dans un mouvement plus large de réflexions relatives à la prise en compte des « voix des enfants », ce courant propose une conception du langage qui s’est imposée dans différents champs du domaine éducatif et notamment celui de la protection de l’enfance. Cependant, le concept-même de « voix des enfants » n’est que très peu questionné. Pour dépasser ce paradoxe, il s’agit de considérer la « voix des enfants » dans sa dimension politique, d’un point de vue sociolinguistique permettant d’interroger les conceptions de l’enfance traversant les usages de ce concept, la façon dont les institutions – de même que la recherche – participent à légitimer et fixer des idéologies langagières y attrayant, et enfin les effets qu’elles peuvent avoir sur les pratiques elles-mêmes. Ainsi, dans une approche méta-pragmatique du langage et à travers une étude en Maison d’Enfants à Caractère Social, nous rendrons compte de tensions entre différentes conceptions du langage et de l’enfance circulant sur ce terrain en mettant en regard différents discours afin de mieux saisir les fondements de ces conceptions ainsi que leurs effets sur les pratiques langagières et de catégorisation.

Intervention psycho-sociale en formation en travail social : de la prise en compte de l’histoire de vie des futur-e-s accompagnant-e-s de femmes victimes de viol.
Louisa Baralonga (Université Paris cité)

Cette recherche s’appuie sur un dispositif pédagogique développé dans une école de travail social francilienne afin de permettre l’identification des constructions représentatives des futur-e-s éducateur-e-s spécialisé-e-s sur le thème de l’accompagnement des femmes victimes de viol et leurs transformations. Elle s’inscrit dans un travail d’intervention-recherche (Giust-Desprairies, 2004), travail réalisé au sein de deux cours intitulés « démarches éducatives » et « relations éducatives et socialisation », équivalent à soixante heures en face à face pédagogique, auprès d’un groupe-classe réunissant une vingtaine de membres en voie directe et conduit au cours des trois années de formation, soit tout au long du parcours préparant au diplôme d’Etat de septembre 2017 à juin 2020. S’agissant d’un projet co-construit avec les formé-e-s, il aura permis d’aborder différents aspects : comment accueillir un travail sur les constructions des dominations de genre lorsque deux hommes sont présents dans un groupe-classe ? Quels effets la participation à une journée d’étude a-t-elle sur les expériences des relations de genre en tant qu’homme dit arabe ? En quoi les résonances entre notre histoire personnelle ou sociale et notre positionnement professionnel peuvent-elles être source de professionnalité pour soi et pour les autres ? À partir des témoignages de victimes, dans quelle mesure est-il possible de construire un savoir professionnel à l’aide de savoir académique ? De quelle façon être avec la violence revécue à la lecture des récits de victime ? Les réponses à ces questions ont été élaborées à partir des notes prises durant les sessions de préparation de la rencontre avec Lise Poirier-Courbet, comprenant les questions qui lui ont été adressées et l’enregistrement des échanges le jour de sa venue.

Le dire et le consentement de l’enfant dans le champ de l’adoption tardive – une étude de cas.
Barbara Manfroni Amaral de Souza (Université Paris 8 et Universidade Federal do Rio de Janeiro)

De plus en plus, le champ juridique est requis, dans notre société, à répondre aux interrogations posées par les mutations du lien social. Dans le domaine de l’enfance, en particulier, de nombreuses questions sont adressées au pouvoir judiciaire afin qu’il réponde, en fin de compte, au nom du « meilleur intérêt de l’enfant ». Dans une société où les adultes ont du mal à soutenir leurs lieux d’altérité, « le meilleur intérêt de l’enfant » est souvent confondu avec la satisfaction de sa demande. Cela peut laisser les enfants sans aucune assistance, seuls avec leurs paroles et ce qu’ils adressent à l’Autre. Si le discours de l’enfant est pris à la lettre, sera-t-il écouté ?
Nous aborderons ici le cas d’un garçon qui, à l’âge de 8 ans, est déjà revenu 5 fois au foyer après plusieurs essais pour vivre avec des couples qui voulaient l’adopter. Placé en pouponnière depuis l’âge de 2 ans, il dit qu’il souhaite être adopté. Cependant lorsqu’il se trouve au sein d’une nouvelle famille d’adoption, il est pris d’une telle désorganisation psychique qu’il effectue des passages à l’acte en série qui le mettent, et en tous ceux qui l’entourent en danger.
Nous traiterons de la difficulté de faire que le champ juridique puisse entendre, dans ces comportements, ce que l’enfant ne réussit pas à exprimer en mots. Au-delà de son discours conscient, ces passages à l’acte parlent d’une impossibilité de se séparer du foyer et de la convivialité minimale avec ses parents biologiques. On soutient l’hypothèse que les idéaux collectifs de l’amour lui imposent d’être le grand garant de la filiation adoptive, ce qui pourrait venir réparer les dommages subis par l’enfant abandonné. Cela empêche l’écoute de l’enfant et projette sur les futurs parents une responsabilité punitive provoquant une interruption précoce de nombreuses procédures d’adoption. Avec son référentiel théorique, la psychanalyse peut mettre en lumière les difficultés psychiques en jeu dans cette démarche subjective.  Elle peut ainsi rétablir la possibilité d’écoute des sujets impliqués permettant de surmonter la culpabilisation/victimisation et de donner au discours de l’enfant sa juste mesure. 

Atelier 15

L’agressivité en lien dans le traitement psychanalytique des enfants.
Daniel Barros Bermudes (Universidade Federal do Espírito Santo)
Victoria Giacomin Reali (UFES)
Ariana Lucero (UFES)

Lacan (1948) aborde la notion d’agressivité en la plaçant au cœur de la constitution du sujet. C’est ce point d’angoisse qui désarticule l’enfant qui repousse son trouble vers le monde. Lorsque l’agressivité se manifeste par des lésions du corps propre ou qu’elle s’adresse à autrui par des représailles physiques, elle dit quelque chose de tous ceux qui la vivent. On constate donc une demande constante de traitement des « enfants agressifs » dans le but de corriger leur comportement, la famille et l’école les adressant aux Centres de Soins Psychosociaux pour enfants et adolescents, le service public brésilien pour la santé mentale.
On connaît l’importance de la demande dans une cure, même si Lacan (1973) nous avertit que l’analyste ne doit pas y répondre. En particulier lorsqu’il s’agit d’enfants, de sorte qu’une grande partie du travail consiste à déloger le lieu de l’agressivité de ce qui incite physiologiquement à un comportement pour en faire une interrogation sur les effets qu’il produit dans la collectivité.
La question qui se pose ici vient lorsque Lacan (1948) indique que  » c’est la participation à sa souffrance que le patient attend de nous « . A ce stade, la gestion du transfert entre comme fondement du traitement, surtout lorsque l’agressivité est adressée à l’analyste. La question est donc de savoir comment l’agressivité s’adresse à l’Autre et comment la traiter.

Réponses éducatives possibles aux impasses de la sexualité infantile et des symptômes chez l’enfant : entre le normal et le pathologique.
Marina Bezerra Werneck (Universidade Federal do Espírito Santo)
Ariana Lucero (UFES)

Freud (1926), dans Inhibition, symptôme et angoisse, décrit la différence entre inhibitions et symptômes, où l’inhibition serait la restriction normale d’une fonction, et le symptôme une conciliation inconsciente entre une satisfaction pulsionnelle interdite et les exigences du Moi, par le biais du refoulement. Freud (1926) exemplifie également plusieurs formes d’inhibition, liées à l’acte alimentaire, à la fonction sexuelle, aux activités professionnelles, et nous pouvons également inclure dans cette série les inhibitions intellectuelles, fréquentes dans le milieu éducatif, concernant les difficultés d’apprentissage. L’angoisse de castration serait inévitable, et les inhibitions et les symptômes sont des moyens que le sujet utilise pour s’en défendre. L’enfance est configurée comme le temps primordial de la constitution subjective, où les possibilités de positions subjectives sont encore en train de se structurer. Il se trouve que cette particularité infantile n’empêche pas l’enfant de produire des inhibitions et des symptômes. On peut penser à une série d’apparitions symptomatiques dans l’enfance, par exemple sous la forme d’une agressivité accrue ou de manifestations de la sexualité infantile qui se présentent sous une forme dévoilée, par le biais d’un symptôme. Notre intérêt se porte donc moins sur l’inhibition que sur la sexualité qui apparaît comme « pathologique », bien que la présence d’une sexualité infantile « normale » soit déjà reconnue dans des activités qui ne se limitent pas à la zone érogène génitale. C’est à partir de ces difficultés que les responsables adressent à un analyste la demande d’analyse de l’enfant, ou que l’école elle-même signale un besoin de suivi psychologique, car lorsque l’enfant connaît une éruption symptomatique, il est inévitable qu’elle soit placée dans le milieu scolaire, parfois de manière intensifiée.

Si la parole échoue, l’acte advient – le statut de la haine.
Luzia Carmem de Oliveira (Pontifícia Universidade Católica de São Paulo)
Maria Solineide Oliveira Alencar (PUC-Pr)

Nous vivons une période où la relation entre les familles et l’école est paradoxale. Alors que l’on attend de l’école qu’elle soit une instance éducative en continuité avec la famille, on assiste à une méfiance des familles par rapport au discours scolaire. Les situations de violence et les manifestations de haine entre enfants et adolescents ont dépassé les limites de la civilité et de l’acceptable, atteignant des formats destructeurs, montrant qu’il y a une défaillance dans l’utilisation de la parole, conduisant les passages à l’acte. La psychanalyse nous apprend que la haine et l’agressivité font partie de la subjectivité humaine et qu’elles se manifestent dès le plus jeune âge. Le couple amour/haine naît de la scission de quelque chose de commun, chacun suivant sa propre évolution jusqu’à devenir des couples d’opposés, sous l’influence du plaisir/mécontentement. À son tour, l’agressivité perturbe la relation entre les hommes et la culture s’établit comme un moyen d’organiser les liens qui fournissent à l’humanité des réalisations intellectuelles et créatives, imposant des déplacements et des restrictions des objectifs pulsionnels, provoquant les deux caractéristiques psychologiques les plus importantes : le renforcement intellectuel de l’homme et l’intériorisation de la tendance à l’agressivité. L’éducation, en tant que moyen d’insertion dans la culture par la transmission des réalisations possibles et des restrictions pulsionnelles, devient un discours social. Cette communication envisage d’analyser des actes de violence commis par des adolescents et des enfants dans le milieu scolaire, à partir de la compréhension de la haine et de l’agressivité dans la psychanalyse freudienne et lacanienne, nous permettant de tenir compte de la différence et du respect de l’altérité et de l’autorité.

Atelier 16

L’adolescence en situation de vulnérabilité sociale, rêves et écoute. L’effacement des jeunes en situation de vulnérabilité sociale : perspectives d’écoute psychanalytique en territoires élargis.
Agundez Ayelen (Universidade de São Paulo)
Bruna Ferreira de Oliveira (USP)
Rose Gurski (UFRGS/USP)

Cet exposé est ancré dans notre expérience de chercheurs dans le cadre de la pratique clinique auprès du Service de Santé Mentale et de Psychologie Sociale Clinique de l’USP et de la recherche-intervention Rodas de Sonhos (Roues de Rêves), portée par le NUPPEC/UFRGS (Núcleo de Pesquisa em Psicanálise, Educação e Cultura – Centre de Recherche en Psychanalyse, Éducation et Culture).  A travers la pratique de l’écoute avec APOIAR, nous avons été intéressé par les récits des tentatives de suicide des jeunes, pris en charge dans le secteur socio-éducatif. Nous associons ces événements à la dimension sociopolitique de la souffrance psychique de ces sujets (Debieux, 2016). Nous souhaitons expérimenter le dispositif clinique des Rodas de Sonhos avec ces jeunes ; nous considérons qu’il permet une écoute de la dimension traumatique en articulation avec l’impuissance discursive qu’ils éprouvent. Les Rodas peuvent mettre en avant la fonction réparatrice du rêve comme stratégie éthique et politique. Il s’agit de promouvoir un espace de circulation de la parole face à la perspective collective du rêve. L’idée principale est de soutenir l’écoute psychanalytique à partir d’actions d’adaptation appropriées aux sujets en situation de vulnérabilité sociale (Gurski, 2019).

Le rapport des jeunes à l’institution : quels appuis pour la traversée adolescente ?
Marcella Bueno Brandão Siniscalchi (Université Paris 8, France)

Cette proposition de communication s’appuie sur mes rencontres avec des jeunes, à la fois dans le cadre d’entretiens non directifs de recherche pendant la fermeture des écoles au Brésil en raison de la pandémie, et dans le cadre du programme DU Universitas à Paris 8 pour les étudiants de première année qui souhaitent se réorienter. Ce que nous cherchons à comprendre est le rapport des jeunes à l’institution dans cette période de déconstruction et de construction de liens avec l’Autre qu’est l’adolescence (Lesourd, 2005 ; Weber & Voynova, 2021). Nous avançons l’hypothèse que dans la rencontre avec d’autres adultes et soutenus par une institution autre que la famille, les adolescents peuvent trouver le soutien nécessaire pour se reconstruire et élaborer les pertes liées au fait de grandir et d’occuper une place singulière dans le monde. Il est important à l’adolescence de trouver, au-delà de la famille, de nouveaux liens, de nouvelles identifications qui lui permettent de faire le travail psychique de deuil de ce qu’il a besoin de laisser. La projection et le désir sont toujours liés à la possibilité d’ouvrir une brèche chez l’autre (Douville, 2000) et de trouver ainsi de nouvelles fictions qui ont pour rôle de soutenir les êtres humains dans leurs existences.

Pas sans la parole. Le passage à l’acte comme issue à une impasse du lien social.
Sophie Darne (Psychologue dans le secteur de la protection de l’enfance)

La parole prend une place différente selon les discours courant(s) dans l’institution : une parole s’inscrivant dans un discours qui fait lien social et donc borde la jouissance de l’immédiateté ; une parole prise par un discours désarrimant adultes et enfants de ce qui fait socle pour chacun.
Dans un foyer pour adolescents placés, un passage à l’acte violent d’un éducateur sur un adolescent viendra témoigner des effets de l’annulation d’une parole permettant la continuité dans le temps et l’engagement dans les liens. Ce passage à l’acte fera suite à un acting out adressé au cadre comme représentant du discours à l’œuvre, resté sans être entendu. Cet acting out fera suite à celui de l’adolescent cherchant à « tester », à interroger en manifestations diverses les places de chacun, l’organisation symbolique du lieu et le lien singulier à son éducateur qu’il éprouve dans sa résistance à ses attaques. Un certain rapport à la jouissance et à la question du désir modifie l’arrimage symbolique de l’adolescent, de l’éducateur, de l’institution. Les points d’appui pour entendre la parole se construisent dans les écarts possibles avec certains discours prédominants et en appui sur d’autres. Dans l’impossibilité de mise en place de cet écart permettant la parole, l’acting out reste en attente de symbolisation. Sans paroles, le passage à l’acte devient une issue, un pas sans la parole qui oblige à considérer qu’on ne peut pas sans la parole construire le lien social.

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